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dépasser, comme il y en a une pour le nombre des citoyens d’une république ? Car dix hommes ne font pas une cité, et dix myriades n’en font plus une. Toutefois, ce n’est peut-être pas un nombre précis, mais seulement renfermé entre des limites déterminées[1]. De même, en fait d’amis, il y a une limite qu’il ne faut pas excéder, et peut-être est-ce le plus grand nombre de ceux avec qui l’on peut vivre dans un commerce habituel : car c’est là ce qui nous a semblé plus propre à entretenir ce sentiment. Or, il est facile de voir qu’on ne saurait vivre ainsi avec beaucoup de personnes, et se partager, pour ainsi dire, entre elles. D’un autre côté, l’on voit facilement que, pour qu’elles puissent passer ainsi leur vie dans une union intime, il faut qu’elles puissent aussi s’aimer les unes les autres, condition qui se trouve difficilement dans un grand nombre de personnes. Il est même difficile qu’on puisse s’associer aux plaisirs et aux peines de beaucoup de gens : puisqu’alors il faudra probablement se réjouir avec l’un, dans le même temps qu’on devra s’affliger avec l’autre. Peut-être donc vaut-il mieux ne pas chercher à avoir le plus grand nombre d’amis ; mais n’en désirer qu’autant qu’il est possible d’en avoir, quand on vit habituellement ensemble. Il semble, en effet, qu’on ne

  1. Aristote croyait qu’il y avait dans le nombre des citoyens une limite, en deçà et au-delà de laquelle il était impossible qu’un état pût être sagement administré. Voyez la Politique, l. 3, c. 1 ; et l. 7, c. 4.