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bons à rien, il n’a absolument aucun besoin d’en avoir ?

Mais peut-être que cela n’est pas exactement vrai : car nous avons dit au commencement de ce traité[1], que le bonheur consiste dans une certaine activité ; et il est facile de voir que l’activité n’est pas une chose dont on jouisse comme des choses matérielles qu’on possède, mais seulement à mesure qu’on l’exerce. Or, si le bonheur consiste dans une vie active, l’activité de l’homme de bien est vertueuse et remplie de charmes par elle-même : car il y a aussi de la douceur dans le sentiment de ce qu’on possède. D’ailleurs, nous sommes plus capables d’observer ceux avec qui nous vivons, que de nous observer nous-mêmes, d’apprécier leurs actions, que de juger nos propres actions ; or, les actes de vertu, quand ils viennent de ceux qu’il aime, touchent vivement le cœur d’un homme vertueux, puisqu’alors les deux amis jouissent de la satisfaction la plus naturelle. Ce seront donc de tels amis qui seront nécessaires à celui qui est parfaitement heureux, s’il se plaît surtout à contempler des actions vertueuses, et qui lui soient propres, car tel sera le caractère de celles que fera un ami vertueux.

D’un autre côté, on est persuadé que la vie de l’homme heureux doit être pleine de satisfaction ; or, l’isolement absolu est la source de bien des peines : car il n’est pas facile d’être, par soi-même,

  1. Voyez le chapitre viii du premier livre.