ne mettent pas autant d’intérêt à rendre le bien qu’on leur a fait.
Cependant, c’est peut- être d’une telle opinion qu’Épicharme aurait dit que c’est là le langage de gens qui sont mal placés pour voir la chose[1]. Elle semble tenir simplement à une faiblesse de l’humanité ; car la plupart des hommes sont sujets à oublier, et désirent plus communément qu’on leur fasse du bien, que d’en faire eux-mêmes. La cause du fait que nous examinons paraît pouvoir s’expliquer plus naturellement, et la comparaison des créanciers n’est pas exacte. Car ceux-ci n’ont pas de l’attachement pour leurs débiteurs ; mais ils souhaitent leur conservation, pour pouvoir en être payés. Au contraire, ceux qui ont rendu un bon office aiment et chérissent les personnes à qui ils ont fait du bien, quand même ceux-ci ne pourraient leur être d’aucune utilité, ni actuellement ni à l’avenir. C’est aussi le sentiment qu’éprouvent les artistes ; car il n’y en a aucun qui n’aime l’ouvrage sorti de ses mains, plus qu’il n’en serait aimé lui-même, en supposant que ce produit de l’art vînt à recevoir le sentiment et la vie. C’est peut-être chez
- ↑ Comme Aristote ne cite ici que quelques mots d’un seul vers d’Épicharme, et qu’il n’en est question que dans ce seul endroit, on ne peut que présumer qu’il faisait allusion à la situation des spectateurs dans le théâtre, où il y avait des endroits disposés de manière qu’on ne pouvait que voir fort mal ce qui se passait sur la scène. Cette interprétation de Mr Coray est, sans contredit, préférable à celles qu’ont données de ce passage tous les autres interprètes ou traducteurs.