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ou quand tout le monde, à Mitylène, consentait que l’on déférât l’autorité suprême à Pittacus[1], lorsque lui-même voulait l’exercer. Mais, si chacun de son côté prétend s’en emparer, comme les deux princes thébains dans les Phéniciennes d’Euripide[2], alors il y a dissension. Car ce n’est pas être unis de sentiments que de prétendre, chacun de son côté, à une même chose, quelle qu’elle soit ; mais il faut être d’accord sur un même objet. C’est ce qui a lieu, par exemple, lorsque le peuple et les notables, dans un état, consentent à laisser l’autorité entre les mains des meilleurs citoyens ; car, de cette manière, tous obtiennent ce qu’ils désirent.

L’accord des sentiments entre citoyens, semble être, et s’appelle, en effet, amitié civile ou politique ; car elle a lieu au sujet des intérêts communs, et des choses qui se rapportent aux besoins de la vie. Au reste, un pareil accord existe ordinairement entre les gens de bien ; car ceux-là surtout s’accordent avec eux-mêmes, et les uns avec les autres, ayant, pour ainsi dire, les mêmes objets en vue. Leurs volontés sont constantes et fermes, et ne sont pas agitées par un continuel flux et reflux : la justice,

  1. Les Mityléniens remirent, d’un commun accord, l’autorité suprême à Pittacus de Lesbos, lequel, après l’avoir gardée pendant dix ans, et lorsqu’il eut établi l’ordre dans le gouvernement, abdiqua son pouvoir. Voy. Diog. Laert, l. 1, § 72.
  2. Le sujet de cette tragédie d’Euripide, est la querelle d’Étéocle et de Polynice, fils d’Œdipe, se disputant le trône de Thèbes.