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elle. Car les méchants sont sans cesse en proie au repentir.

L’homme de ce caractère semble donc bien peu disposé à s’aimer lui-même, parce qu’il n’a rien qui soit propre à inspirer un pareil sentiment ; et, si cet état est ce qu’il y a de plus misérable, il s’ensuit qu’on doit fuir de toutes ses forces le vice et la perversité, et s’appliquer à être homme de bien ; car c’est ainsi qu’on parviendra à pouvoir s’aimer véritablement soi-même, et qu’on se rendra digne d’avoir un ami.

V. Quant à la bienveillance[1], elle ressemble sans doute à l’amitié, mais ce n’est pas tout-à-fait l’amitié : car on éprouve de la bienveillance, même pour des inconnus, et sans presque s’en apercevoir ; ce qui n’a pas lieu pour l’amitié, comme on l’a déjà remarqué. Elle n’est pas même de l’attachement ; car elle n’est accompagnée ni de désir, ni d’une sorte d’empressement et d’inclination, caractères ordinaires de l’attachement. Celui-ci suppose quelques habitudes d’une liaison antérieure ; au lieu que la bienveillance naît d’une rencontre fortuite, comme il arrive au sujet de ceux qu’on voit combattre dans l’arène : car les spectateurs prennent quelquefois de la bienveillance pour eux ; ils s’associent à leurs vœux, quoiqu’ils ne voulussent nullement se joindre à leurs efforts, parce

  1. Sur le même sujet, voyez M. M. l. 2, c. 12 ; et Eudem, l, 7, c. 7.