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car ils sont peu d’accord avec eux-mêmes, ils désirent certaines choses, et ils en veulent d’autres, comme les intempérants ; préférant les plaisirs qui leur sont nuisibles, aux biens véritables, et qu’ils jugent tels. D’autres, par faiblesse ou par indolence, négligent de faire ce qu’ils croient être le plus avantageux pour eux ; d’autres, après avoir commis un grand nombre d’actions criminelles, victimes de leur propre perversité, finissent par prendre la vie en horreur, et par se donner la mort.

Les méchants aussi s’empressent à chercher avec qui passer leur temps ; car ils se fuient eux-mêmes. C’est que leur mémoire leur rappelle incessamment des choses fâcheuses, et ce supplice se renouvelle pour eux tant qu’ils sont seuls ; au lieu que, quand ils sont avec d’autres, ces images funestes se dissipent. En un mot, ils n’ont rien d’aimable, rien qui les porte à s’aimer eux-mêmes : aussi ne sympathisent-ils nullement avec leurs propres plaisirs, ni avec leurs propres afflictions ; leur âme est, pour ainsi dire, un théâtre de dissensions : d’un côté, en proie à des sentiments de tristesse, parce que [malgré leurs coupables désirs] ils se voient forcés de s’abstenir de certaines choses ; et, de l’autre, éprouvant de la joie : déchirée et comme tiraillée, tantôt par ici, et tantôt par là, parce qu’en effet, il est impossible d’avoir à la fois du plaisir et de la peine ; que bientôt elle s’afflige de ce qui lui avait causé de l’enivrement, et qu’elle voudrait que ces sujets de joie n’eussent jamais existé pour