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être par laquelle il juge et pense ; car vivre est déjà un bien pour celui qui est sage et appliqué.

Au reste, chacun désire pour soi-même ce qui est bon ; et, en supposant qu’un homme pût devenir autre qu’il n’est, personne ne souhaiterait à cette créature, devenue ainsi [autre que lui-même], les mêmes avantages qu’il possède. Dieu possède actuellement le bien dont il a la jouissance éternelle, quelle que soit d’ailleurs la nature de cet être si différent [de l’homme][1] ; et c’est l’intelligence surtout qui constitue essentiellement la nature de chaque individu. Or, un être doué d’intelligence veut vivre avec lui-même, et y trouve du plaisir ; les souvenirs de ce qu’il a fait ont des charmes pour lui ; l’avenir ne lui offre que de flatteuses espérances ; sa pensée est féconde en sujets de contemplation ; et c’est surtout avec ses propres plaisirs, avec ses propres peines qu’il se plaît à sympathiser : car il trouve toujours plaisir ou peine dans les mêmes objets, et jamais ses sentiments ne varient[2]. Aussi est-il, s’il le faut ainsi dire, inca-

  1. Cet endroit du texte est fort obscur, et a embarrassé tous les commentateurs. Mr  Coray, après avoir discuté avec soin les variétés de lecture des diverses éditions, et les interprétations dès critiques grecs et latins, etc., s’arrête au sens que j’ai donné ici, comme étant le plus probable, ou au moins comme assez analogue à la suite des idées de l’auteur.
  2. « « Nous sympathisons surtout avec nous-mêmes (dit ailleurs Axistote)…. Or, ces caractères de sympathie avec nous -mêmes, de désir d’une vie heureuse, et autres conditions semblables, nous les appliquons ou à l’amour de soi, ou à l’amitié par