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en avoir pris de trop excessifs, ils s’exposent à des reproches mérités, ne tenant point ce qu’ils avaient promis. C’est peut-être ce que les sophistes sont obligés de faire, parce que personne ne consentirait à payer la science qu’ils possèdent ; et, comme ils n’exécutent pas ce dont ils ont reçu le salaire, on les en blâme avec raison[1].

Mais, quand il n’y a point de convention expresse pour un service à rendre, ceux qui prodiguent tout ce qu’ils ont pour servir leurs amis avec un entier désintéressement, sont, comme on l’a déjà dit, tout-à-fait exempts de reproche. C’est qu’une telle amitié n’est fondée que sur la vertu ; et l’on doit en montrer sa reconnaissance comme il convient dans ce genre d’affections, car tel est le caractère de l’ami et de la vertu. C’est ainsi qu’il en faut agir envers ceux qui nous ont communiqué les préceptes de la philosophie. Car ce n’est pas l’argent qui peut en payer le prix ; le respect ou la considération n’en serait pas même l’équivalent : mais, peut-être qu’en faisant, dans ce cas, tout ce qui nous est possible, cela suffira, comme cela suffit à l’égard des Dieux et des auteurs de nos jours. Au reste, lorsque le service n’est pas rendu ainsi [spontanément], mais dans la vue d’obtenir quelque avantage, c’est peut-

  1. Voyez, sur ce sujet, Isocrate (Adv. Sophist. § 3, to. 1, p. 291 de l’édit. de Mr Coray). Xénophon (Cyneget. § 13), et Aristote (De Sophist. Elench. c.1, § 2), qui définit le sophiste : « un homme qui fait argent d’une prétendue sagesse qu’il n’a réellement pas. »