Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/493

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’eût été ce à quoi chacun s’était attendu ; mais, si l’un veut de l’amusement, et l’autre du profit, et si le premier a ce qu’il désire, tandis que le second ne l’a pas, ce n’est plus un commerce où il y ait une juste réciprocité. Car toutes les fois qu’on éprouve quelque besoin, on en est continuellement occupé, et l’on est disposé à donner ce qu’on possède pour le satisfaire.

Mais à qui appartient-il de fixer le prix d’un service ? Est-ce à celui qui a commencé par le rendre, ou à celui qui a commencé par le recevoir ? Le premier semble s’en rapporter, sur ce point, à la générosité de l’autre : et c’est, dit-on, ce que faisait Protagoras. Car, lorsqu’il avait donné des leçons de son art (quel qu’il fût), il invitait son disciple à mettre lui-même un prix à la science qu’il croyait avoir acquise, et il se contentait de ce qu’on lui donnait[1]. En pareil cas, quelques personnes s’en tiennent au proverbe, Avec un ami engagez-vous à un juste salaire[2]. Quant à ceux qui commencent par recevoir l’argent, et qui ensuite ne tiennent aucun de leurs engagements pour

  1. C’est ce que fait dire Platon à Protagoras lui-même, dans le dialogue auquel il a donné pour titre le nom de ce sophiste, (Voy. Platon. Protag. p. 328.)
  2. C’est le sens du vers 370 du poème d’Hésiode, intitulé Les Œuvres et les jours. Aristote en cite seulement les premières paroles, parce qu’il était devenu proverbe, pour faire entendre que, dans un marché, il est bon de faire ses conventions à l’avance, afin de prévenir tout débat. C’est aussi le sens du proverbe italien : Patto chiaro, amicizia lunga.