Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ments qui sont fondés sur les mœurs, subsistant par eux-mêmes, sont plus durables, comme on l’a déjà dit[1].

C’est encore une cause de mésintelligence, lorsque l’on trouve, dans un tel commerce, autre chose que ce qu’on avait désiré ; car ne pas obtenir ce qu’on espère, ou ne rien obtenir, c’est à peu près la même chose. Comme il arriva à ce musicien à qui l’on avait promis une récompense d’autant plus magnifique, qu’il aurait chanté avec plus de talent ; mais le lendemain, comme il réclamait la récompense promise, celui à qui il s’adressait s’excusa, sous prétexte qu’il lui avait donné [par ses éloges] plaisir pour plaisir[2]. Sans doute, cela suffisait, si

  1. Ci-dessus, l. 8, c. 3.
  2. Aristote, rappelant ailleurs le même trait (Eudem. l. 3, c. 10), dit que c’était un roi qui fit cette réponse ; mais Plutarque (De Fortun. Alexandr. c. 1) nous apprend que ce roi était Denys, tyran de Syracuse. On lit dans Macrobe (Saturn. l. 2, c. 4), une anecdote assez semblable, au sujet d’Auguste. Souvent, lorsqu’il sortait du palais, un pauvre Grec, qui avait soin de se trouver sur son passage, lui présentait, en forme de placet, quelque petite pièce de vers à sa louange. Un jour, l’empereur, qui voulait apparemment faire cesser cette espèce d’importunité, s’étant arrêté, traça à la hâte quelques vers grecs à la louange de cet homme, et les lui fit donner. Celui-ci s’avance aussitôt vers le prince, et, tirant du fond de sa bourse quelques pièces de monnaie : « Soyez sûr, César, lui dit-il, que je vous offrirais une plus digne récompense, si cela était en mon pouvoir. » Auguste, ajoute le narrateur, ne put s’empêcher de rire de cette saillie, et il fit donner au Grec une somme d’argent assez considérable.