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bien renoncer son fils[1]. Car on est obligé de rendre ce qu’on a reçu, et il n’a jamais rien pu faire pour son père qui fût capable d’acquitter sa dette, en sorte qu’elle subsiste toujours : or, celui à qui l’on doit est toujours en droit de renoncer son débiteur ; par conséquent, le père a ce droit là. Peut-être, au reste, n’y a-t-il pas de père qui en voulût user, si ce n’est à l’égard d’un fils extrêmement coupable : car, outre l’affection naturelle, il n’est pas dans le cœur de l’homme de se priver de ses ressources et d’un appui précieux. Mais un fils vicieux et pervers cherche à s’affranchir, ou au moins ne s’inquiète guère du soin de pourvoir aux besoins de son père. La plupart des hommes ne demandent même pas mieux que de se voir prévenus par des bienfaits, et ils se dispensent volontiers, au contraire, d’être bienfaisants, parce qu’il n’y a en cela aucune utilité pour eux.

Mais en voilà assez sur ce sujet.

  1. Chez les Grecs, la loi autorisait un père à renoncer son fils d’une manière solennelle, lorsqu’il avait pour cela des motifs qu’il pouvait faire admettre par les juges. Cette action s’appelait ἁποκήρυξις. Il y a un traité de Lucien, ou plutôt une Déclamation, sous ce titre. Mr Zell cite le passage suivant de Valère-Maxime (l. v, c. 8), qui paraît contenir, la formule usitée chez les Romains dans des circonstances pareilles. Torquatus renonçant son fils, pour s’être laissé corrompre par argent, et avoir ainsi déshonoré sa famille, s’exprime en ces termes : Cum Sylvanum filium meum pecunias a sociis accepisse probatum sit, et republica et domo mea indignum judico, protinusque e conspectu meo abire jubeo.