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se passent dans le gouvernement des états : car on n’y accorde point de considération à ceux qui ne contribuent en rien à l’utilité publique, puisqu’on ne donne ce qui appartient à tous qu’à celui qui a rendu des services à la communauté ; or, la considération est le bien de tous. Il n’est pas possible, en effet, de s’enrichir aux dépens du public, et d’en être en même temps honoré ; car personne ne consent à perdre en tout ses avantages : aussi accorde-t-on des honneurs à celui qui sacrifie ses richesses ; et l’on donne de l’argent à celui qui est plus sensible à cette sorte de récompenses. Car c’est, comme on l’a déjà dit, la proportion relative au mérite et à la dignité, qui rétablit l’égalité et conserve l’amitié. Telle est donc l’espèce de commerce et de relation qui doit exister entre hommes qui ne sont pas égaux ; et il faut rendre en honneurs le prix des services qu’on a reçus, soit par des sacrifices d’argent, soit par des actes de vertu, c’est-à-dire, s’acquitter comme on le peut ; puisque l’amitié est obligée de chercher ce qui est possible, et non ce qui est en proportion du mérite.

Car on ne peut s’acquitter envers tout le monde par des honneurs et par des respects, comme on le fait pour les dieux et pour les auteurs de sa naissance. Dans ce cas, sans doute, il n’y a personne qui puisse s’acquitter dignement ; mais celui qui montre, autant qu’il peut, son respect, passe pour un homme estimable et vertueux. Voilà pourquoi l’on pense communément qu’un fils ne peut jamais renoncer son père, tandis que le père peut fort