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de son côté, soutiendra que l’autre lui a les plus grandes obligations, et qu’il n’aurait pu recevoir de personne un pareil service, surtout dans le danger et dans le besoin où il se trouvait. Dans une amitié ainsi fondée sur l’utilité, n’est-ce donc pas l’utilité de celui qui a reçu le bienfait qui doit en être la mesure ? Car, enfin, c’est lui qui était dans le besoin, son ami l’a secouru, dans l’espoir qu’il pourrait lui rendre un service égal ; l’étendue ou la valeur de ce service doit donc être appréciée sur l’utilité que celui-ci en a retirée. Par conséquent, il est tenu de rendre à son ami tout le bien et toute l’utilité qu’il a trouvée en lui, ou même plus encore, car cela serait plus noble et plus généreux.

Mais ces sortes de plaintes ou de réclamations n’ont point lieu dans les amitiés fondées sur la vertu ; la mesure naturelle du bienfait est ici l’intention du bienfaiteur : car, en fait de mœurs et de vertu, c’est l’intention qui est le principal.

XIV. Il s’élève surtout des différends dans les amitiés entre personnes d’un mérite inégal : car chacun prétend obtenir sur l’autre quelque avantage ; mais, lorsque cela arrive, l’amitié né tarde pas à se dissoudre. En effet, celui qui a plus de mérite croit qu’il est juste que l’avantage soit de son côté, et que la part de l’homme vertueux soit plus considérable. Celui qui est plus utile a la même prétention. Il ne faut pas, disent-ils, que celui qui n’est bon à rien partage également ; car, si les avantages de l’amitié ne sont pas en proportion du mé-