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peut aussi être plus libérale ; elle admet un engagement à temps, mais sur parole, de se donner une chose pour une autre : il est évident qu’il y a là une dette qui ne peut pas être contestée, mais pour l’acquittement de laquelle un sentiment d’affection pourra accorder du délai. Aussi, entre ceux qui ont contracté de ces sortes d’engagements, il arrive quelquefois qu’on ne voit point de procès ; mais ils se croient obligés à une sorte d’attachement pour des personnes qui ont consenti à des engagements de pure confiance.

Au contraire, dans l’amitié morale, on ne s’engage pas par des conventions expresses, mais de la même manière et dans la même disposition d’esprit que l’on fait un don à un ami, ou qu’on oblige, en quoi que ce soit, toute autre personne. Cependant, on s’attend à recevoir en retour ou la valeur de ce qu’on a donné, ou même une valeur plus grande ; car c’est un prêt qu’on a fait, et non pas un pur don : mais les plaintes auxquelles la rupture donne lieu, ne seront pas les mêmes [que dans le cas d’un contrat violé], parce que l’engagement n’était pas de même nature. Cela vient, au reste, de ce que tous les hommes, ou au moins la plupart, veulent sans doute ce qui est beau et généreux, mais préfèrent ce qui est utile : or, il est beau de faire du bien, sans avoir pour but qu’on nous en fasse à notre tour ; mais il est utile d’éprouver des bienfaits.

Il faut donc rendre la valeur du bienfait à celui qui peut vous obliger et qui y consent ; car on ne