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la satisfaction que les mères trouvent à chérir leurs enfants. En effet, il y en a qui les donnent à nourrir à d’autres femmes, et qui les aiment sans chercher à en être aimées à leur tour, tant qu’il n’est pas possible qu’elles le soient encore ; mais il leur suffit apparemment de voir leurs enfants heureux et contents, et elles les aiment même dans cet état où l’ignorance les empêche de rendre à une mère les devoirs et les sentiments qui lui sont dus. D’ailleurs, comme l’amitié consiste plus spécialement dans un sentiment de tendresse et d’amour, et que l’on applaudit surtout à ceux qui aiment leurs amis, il s’ensuit que le mérite propre de l’amitié consiste surtout à aimer. En sorte que chez ceux qui éprouvent ce sentiment, en proportion du mérite, se trouve la constante et durable amitié. C’est ainsi qu’elle peut exister même entre des individus d’ailleurs inégaux ; car c’est par ce moyen que l’égalité peut s’établir entre eux. Or, l’égalité et la ressemblance sont des conditions de l’amitié, surtout dans ceux qui se ressemblent sous le rapport de la vertu ; car de tels hommes, ayant par eux-mêmes ce caractère de constance, le conservent aussi à l’égard les uns des autres. Ils n’ont aucun besoin de recourir à des actions viles ou méprisables ; et non-seulement ils ne se prêtent à rien de tel, mais ils empêchent, en quelque sorte, que leurs amis ne s’y laissent entraîner. Car le propre des hommes vertueux est de ne commettre eux-mêmes aucune faute grave, et de ne pas souffrir que leurs amis en commettent de telles,