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n’aura guère besoin de la rhétorique, conclusion qui cause à Gorgias quelque confusion, et le jette dans une sorte d’embarras.

Cependant, Gorgias est un personnage d’une certaine importance ; il a une réputation qu’il ne doit point hasarder ; il ne convient donc pas qu’il se compromette davantage : ce n’est pas lui qui doit dévoiler la doctrine secrète du parti qui le compte pour un de ses plus illustres chefs. L’impatience de Polus[1], qui n’est pas néanmoins sans quelque considération dans ce parti, mais qui en a moins que Gorgias son maître, tire celui-ci du défilé où il se trouvait engagé. Il témoigne quelque humeur de voir le tour que prend l’entretien, semble reprocher à Gorgias d’avoir, par une fausse honte, accordé que l’orateur doive savoir ou apprendre ce qui est juste et injuste, comme si tout le monde ne savait pas cela. De cette manière, il a laissé sans réponse une critique peu fondée de sa définition de la rhétorique, qui est, en effet, un art de la plus haute importance ; puisque celui qui le possède peut parvenir à une grande puissance. Et, pour couper court à la discution, Polus demande à Socrate, si lui-même ne serait pas satis-

  1. Autre sophiste de la ville d’Agrigente, et par conséquent Sicilien, comme Gorgias, dont il était le disciple.