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cette bienveillance soit connue et avouée des deux parts. Car beaucoup de gens ont de la bienveillance pour des personnes qu’ils n’ont jamais vues, mais qu’ils supposent dignes d’estime ou capables d’être utiles ; et il est possible que quelqu’un de ceux-ci ait les mêmes sentiments que celui qui est ainsi disposé à son égard. Dans ce cas donc, ce seront des personnes qui ont les unes pour les autres de la bienveillance ; mais comment pourrait-on dire qu’ils sont amis, puisqu’ils ne connaissent pas leurs sentiments réciproques ? Il faut donc (pour être amis) qu’aux sentiments d’une bienveillance réciproque, fondés au moins sur une des trois qualités dont nous avons parlé, on joigne la connaissance du bien qu’on se veut mutuellement.

III. Mais ces motifs [ou ces conditions de l’amitié] diffèrent d’espèce ; et par conséquent, il y a aussi différentes espèces d’attachements et d’amitiés, c’està-dire trois, ou autant qu’il y a de sortes de qualités aimables. Car il peut y avoir, dans chaque espèce, réciprocité de sentiment, connue de ceux qui l’éprouvent. Au reste, ceux qui ont un attachement mutuel se veulent réciproquement du bien, dans le sens du motif qui détermine leur attachement Ainsi ceux qui ont de l’affection l’un pour l’autre, à cause de l’utilité qu’ils trouvent dans ce commerce, ne s’aiment pas pour eux-mêmes, mais à raison du bien qui peut revenir à chacun d’eux de la part de l’autre. Il en est de même de ceux dont l’affection est fondée sur le plaisir ; car ce n’est pas pour ce qu’ils sont en eux-mêmes qu’ils aiment