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portance qu’à la justice même[1] : car la concorde a déjà quelque chose qui ressemble à l’amitié ; et c’est elle qu’ils aspirent à établir, tandis qu’ils s’efforcent de bannir la discorde, comme étant le plus redoutable fléau des états. D’ailleurs, supposez les hommes unis par l’amitié, ils n’auraient pas besoin de la justice ; mais, en les supposant justes, ils auront encore besoin de l’amitié ; et certes, ce qu’il y a de plus juste au monde, c’est la justice qui peut se concilier avec la bienveillance[2].

Mais l’amitié n’est pas seulement nécessaire, elle est aussi ce qu’il y a de plus noble et de plus beau : car nous louons ceux qui ont la passion de l’amitié ; et le grand nombre d’amis est considéré comme une des choses les plus honorables. Il y a même des gens qui pensent que ceux qui savent être amis, ne peuvent manquer d’être vertueux.

Cependant, il s’élève, au sujet de l’amitié, bien des questions à résoudre : les uns la font consister dans une certaine ressemblance[3], et soutiennent que ceux qui se ressemblent s’aiment ; d’où ces façons de parler proverbiales : Le semblable cherche son semblable ; Le geai vole auprès du geai, et autres pareilles. Il y en a qui prétendent, au contraire, que tous ceux qui sont dans ce cas, sont

  1. Voyez la Politique d’Aristote, l. 2, c. 1, § 16.
  2. Aristote entend probablement ici l’équité, telle qu’il l’a définie dans le chap. x du 5e livre.
  3. Voyez le Lysis de Platon, p. 214 b.