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tion[1] selon la nature, qui est perceptible par les sens ; or, aucune génération n’a dans son principe rien qui soit commun avec la fin : par exemple, l’action de bâtir une maison n’a rien de commun avec la maison elle-même. De plus, l’homme sobre et tempérant fuit les plaisirs ; l’homme sensé recherche ce qui ne cause point de peine[2], mais non pas ce qui donne du plaisir. Ajoutons que les voluptés offusquent et troublent la raison, et la troublent d’autant plus, qu’on éprouve plus de joie, comme on le voit par les plaisirs de l’amour ; car nul homme, au moment où il s’y livre, n’est capable de penser. Ensuite, il n’y a point d’art qui ait le plaisir pour objet, et pourtant tout ce qui

  1. « Puisque la génération des plantes, [ou leur production] dans la nature n’est pas sensible, elle n’est pas un plaisir : or, si la génération est quelque chose d’imparfait, et si ce qui est imparfait n’est pas un bien, le plaisir n’est donc pas un bien. Car le bien est ce qui a déjà une existence complète, et non ce qui est [pour ainsi dire] en train d’exister ; etc. » Paraphr. Génération signifie donc ici commencement d’existence, par opposition à existence complète. Voyez le Philébus de Platon (p. 53). Tout ce raisonnement est fondé sur la distinction des anciens philosophes entre les choses qui ont une existence complète et absolue (les idées), et celles qui n’ont qu’une existence continuellement variable, c’est-à-dire, toutes les choses individuelles, distinction qui, appliquée à la question présente, peut être mise au nombre des subtilités oiseuses.
  2. C’est ce qu’Épicure appelle exemption, ou absence de la douleur, ou plaisir stable, permanent κατασηματικὴ ἡδονὴ, par opposition à celui qui consiste dans le mouvement. Voyez Diog. Laert. l. 10, § 136—139.