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l’homme sobre, incapable de se laisser entraîner par les plaisirs des sens, à rien faire contre la raison ; mais l’un a des désirs répréhensibles, et l’autre n’en a pas : celui-ci ne saurait trouver du plaisir dans ce qui est contraire à la raison ; celui-là peut y trouver du plaisir, mais ne s’en laisse pas séduire. L’intempérant [ou l’homme d’un caractère faible] et le débauché se ressemblent aussi, à quelques égards, quoiqu’ils diffèrent sous d’autres rapports : car tous deux recherchent avec ardeur les plaisirs des sens ; mais l’un s’est persuadé qu’on doit en agir ainsi, et l’autre n’a pas cette conviction.

X. Il n’est pas possible que le même homme soit à la fois prudent et intempérant ; car nous avons fait voir[1] qu’on ne saurait guère être prudent sans être vertueux. D’ailleurs, ce n’ est pas seulement la science qui rend véritablement prudent, c’est aussi l’habitude pratique des actes de prudence : or, l’intempérant n’est pas propre à faire de ces actes. Mais il peut arriver qu’un homme qui a de la finesse ou de l’habileté, soit intempérant ; et c’est pour cela que quelques personnes qui passent pour avoir de la prudence, se livrent pourtant à l’intempérance, parce que l’adresse ou l’habileté, et la prudence diffèrent de la manière qui a été expliquée précédemment[2], et parce que, bien que se rapprochant l’une de l’autre, si l’on y considère la raison, elles diffèrent quant au motif qui les détermine.

  1. Ci-dessus, l. 6, c. 5 et 12.
  2. Dans le livre VI, chap. 12.