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de Milet : « Les Milésiens ne sont pas dépourvus de sens ; mais ils agissent comme des gens qui en seraient dépourvus. » Les intempérants aussi ne sont pas proprement des hommes vicieux ou dépravés, mais ils font des actions blâmables.

En effet, l’un étant disposé à rechercher les plaisirs des sens avec excès et contre toute raison, mais sans être convaincu qu’il faille agir ainsi ; tandis que l’autre semble, au contraire, agir de la même manière par une conviction intime, le premier doit pouvoir facilement être amené à changer de conduite, et non pas le second. Car le propre de la vertu, c’est de conserver le principe qui la fait agir ; le vice, au contraire, dégrade ou détruit ce principe. Or, le principe des actions, c’est le motif en vue duquel on agit ; comme dans les mathématiques, ce sont les suppositions[1] qu’on a d’abord admises. Mais, ni dans ce cas, ni dans l’autre, ce n’est le raisonnement qui nous fait connaître les principes ; en fait de conduite, c’est la vertu,

  1. C’est-à-dire les axiômes, ou propositions tellement évidentes par elles-mêmes, qu’il suffit de les énoncer pour qu’elles soient admises par tout homme qui connaît la valeur des mots ; et qui, d’un autre côté, sont tellement simples, et fondées sur le résultat immédiat de notre faculté d’intuition, qu’on ne saurait les démontrer par aucune proposition aussi simple et aussi évidente. À quoi il faut ajouter les définitions, du point, de la ligne droite, de la surface, etc., comme l’observe Aspasius, cité par Mr  Zell, auxquelles convient plus proprement le nom d’hypothèses (ou suppositions), dont se sert ici notre philosophe.