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Quant à celui qui pèche par faiblesse, dans les choses où la plupart des hommes résistent et peuvent résister, c’est un homme mou, et qui aime à vivre dans les délices ; car ce penchant tient à une sorte de mollesse. Tel est, par exemple, celui qui laisse traîner son manteau pour ne pas prendre la peine de le soulever ; ou celui qui, en se donnant l’air et la démarche d’un homme malade, ne se croit pas à plaindre, quoiqu’il ressemble à ceux qui le sont[1]. Or, il en est de même dans tout ce qui tient à la tempérance et à l’intempérance : car, si l’on se laisse vaincre à des plaisirs ou à des peines portées au dernier degré de vivacité ou de violence, cela n’a rien de surprenant ; on mérite, au contraire, quelque indulgence, si l’on s’efforce au moins d’y résister, comme Philoctète blessé par un reptile venimeux, tel que nous le représente Théodecte[2] ;

  1. Peut-être faut-il supprimer la négation, comme l’ont pensé plusieurs éditeurs, et traduire : « Se croit malheureux, seulement parce qu’il imite ceux qui le sont. » C’est à peu près ce que raconte Athénée, en parlant des Sybarites (p. 518) : « L’un d’eux (dit-il) prétendait que, pour avoir vu, en passant dans un champ, des hommes qui creusaient un fossé, il s’était rompu un vaisseau dans la poitrine : sur quoi un autre lui répondit, que d’entendre seulement ce récit lui donnait des maux de reins. »
  2. Théodecte de Phasélis, ville de la Pamphylie, fut disciple d’Isocrate, ami d’Aristote, orateur et poète tragique ; c’est à lui que notre philosophe avait dédié un traité de rhétorique. Cicéron (Tuscul. l. 2, c. 7) parle également de Philoctète comme d’un homme dont le malheur et les plaintes pouvaient exciter l’indulgence et la compassion. Adspice Philoctetem cui