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juste milieu. Il en faut dire autant de celui qui fuit toutes les sensations pénibles ou douloureuses, de dessein prémédité, et non faute de pouvoir les supporter.

Mais, parmi ceux dont la manière d’agir n’est pas le résultat d’un choix ou d’une préférence, l’un se laisse séduire par l’attrait du plaisir, l’autre cède à la peine que lui font éprouver ses désirs ; en sorte qu’il y a quelque différence entre eux. Or, il n’est personne qui ne fasse moins de cas de l’homme qui, sans passion, ou du moins avec des désirs très-modérés, commet quelque action honteuse, que de celui qui la fait parce qu’il est emporté par un violent désir ; de celui qui maltraite quelqu’un, sans être en colère, que de celui qui le fait dans un accès de fureur : car que ferait le premier s’il éprouvait une passion violente ? Voilà pourquoi le débauché est plus méprisable que l’intempérant [qui n’est pas maître de lui]. Celui-là est donc, entre ceux dont nous venons de parler, comme le type de ce qu’on pourrait appeler mollesse ou faiblesse de caractère. Cependant, l’intempérant est opposé au tempérant, et l’homme faible à l’homme ferme ou capable d’endurer la peine ; car c’est dans la résistance que consiste cette vertu, au lieu qu’il faut une force active pour la tempérance, qui consiste à se rendre maître de ses passions ; ce qui est autre chose que de résister, comme vaincre et n’être pas vaincu sont des choses différentes. C’est pour cela que l’empire sur soi-même est une qualité plus précieuse que la patience ou la résignation.