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sulter que le défaut de force morale, joint au défaut de raison, devient une vertu : par exemple, un homme agit contre son opinion, par défaut de force morale ; il est dans l’opinion que des choses bonnes en elles-mêmes, sont réellement mauvaises, et qu’il ne faut pas les faire, et pourtant il finira par faire ce qui est bien, et non ce qui est mal. Au reste, celui qui fait, par conviction et par choix, ce qui lui donne du plaisir, qui même le recherché avec ardeur, vaut peut-être mieux que celui qui agit ainsi sans raisonnement et uniquement par faiblesse : car il est plus susceptible de s’amender lorsqu’on l’aura fait changer d’opinion ; au lieu que l’homme qui n’a aucune force morale est précisément dans le cas du proverbe qui dit : « Quand l’eau vous étrangle, que faut-il boire pour la faire passer[1] ? » Car si sa conduite était l’effet

  1. Plusieurs commentateurs ont paru ne pas comprendre clairement l’application que fait ici notre philosophe de ce proverbe, qui paraît, ce me semble, indiquer le défaut de force morale, comme ne laissant aucun espoir d’amendement ou de retour possible à la vertu. Il a dit précisément que lors même qu’on est prévenu d’une opinion fausse, la force morale peut vous déterminer à agir contre votre opinion, quoique vous ne soyez pas assez éclairé pour en reconnaître la fausseté. Mais si vous êtes susceptible de la reconnaître, il faut encore de la force morale pour vous déterminer à agir d’après une opinion plus juste. Si donc cette force manque, on ne pourra, dans aucun cas, agir comme on le devait. Il faut pourtant avouer que la pensée manque de justesse en ce sens, que l’on compare une chose négative, le défaut de force morale, avec une chose positive, l’eau qu’on boit pour faire passer ce qui étouffe ou gêne la respiration.