Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si c’est contre la violence et contre la tendance méprisable des désirs que se montre la force morale, l’homme tempérant n’aura donc pas cette force, et celui qui aura la force morale ne sera pas tempérant ; car l’excès n’est point dans son caractère, ni les passions méprisables, et pourtant il faudrait que cela fût ainsi ; puisque, si. ses passions sont nobles et généreuses, la disposition qui l’empêcherait de s’y livrer serait vile et méprisable. Il suivrait donc de là que toute force morale ne serait pas estimable. Et, si les passions sont faibles et sans tendance nuisible ou dangereuse, elles n’ont rien de fort grave ; ou même si, quoique étant viles et méprisables, elles sont sans force, c’est peu de chose. Enfin, si la force morale rend inébranlable dans toute espèce d’opinion, ce n’est pas une qualité estimable ; par exemple, quand on s’attache à une opinion fausse : et si le défaut de force morale consiste à se désister d’une opinion quelle qu’elle soit, il pourra y avoir, en ce genre, des faiblesses généreuses. C’est le cas de Néoptolème dans le Philoctète de Sophocle[1] ; car il est louable

    nécessairement les vertus que celles-ci supposent. » (Paraphr.) Voyez ci-dessus l. 6, c. 7 et 8.

  1. vs. 902. Allusion à ce que dit Néoptolème à Philoctète, particulièrement à cette noble pensée : « Tout est peine et embarras, lorsque, démentant sa propre nature et son propre caractère, on consent à faire ce qui est répréhensible. " Et un peu après il ajoute : « Je paraîtrai méprisable ; voilà ce qui cause mon tourment. Ô Jupiter, que faut-il que je fasse ? car je vais me montrer encore une fois vil et lâche, en taisant ce qu’il