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on n’applique les mots tempérant ou intempérant à d’autres choses que par métaphore, et par analogie.—V. Il y a en nous des vices qui n’excèdent pas la perversité humaine, et qu’on appelle simplement des vices ; mais il y en a d’autres qu’on ne peut appeler ainsi, qu’en ajoutant qu’ils sont l’effet d’une nature brutale, ou d’une dépravation extraordinaire, ou d’une constitution maladive. Le nom d’intempérance ne s’applique donc, en effet, à ces habitudes de férocité stupide, que par extension de sa signification ordinaire, et comme exprimant, en général, le défaut d’empire sur soi-même. — VI. Il y a moins de honte à ne pas maîtriser sa colère, qu’à se laisser vaincre par les désirs : car la colère suit,du moins la raison, jusqu’à un certain point, mais le désir ne la suit en rien. D’ailleurs, il y a plus de franchise dans la colère, et souvent on a recours à la perfidie pour satisfaire ses désirs. Enfin la colère est un sentiment pénible, et le désir est accompagné de plaisir. La brutalité est un moindre mal que le vice ou la méchanceté, car l’homme injuste peut faire infiniment plus de mal qu’une bête féroce. — VII. Le débauché est plus méprisable que l’intempérant, ou que celui qui ne cède à ses passions que par faiblesse de caractère. L’empire sur soi-même est une qualité plus précieuse que la patience ou la résignation. L’habitude du jeu et de la dissipation, est une sorte d’intempérance ou de faiblesse. En général, l’impétuosité des passions et la faiblesse de caractère, sont les causes de l’intempérance. Les hommes d’un esprit vif et pénétrant, et ceux qui ont un tempérament mélancolique, sont plus sujets à l’intempérance qui naît de la première cause, parce qu’ils se laissent surtout conduire par l’imagination. — VIII. L’intempérance, ou la faiblesse de caractère, n’est pas la même chose que le vice, au moins à plusieurs égards ; l’une a lieu contre l’intention de celui qui s’y livre, l’autre semble être l’effet d’une préférence. Le propre de la vertu, c’est de conserver le principe qui la fait agir, ou les sentiments d’honneur et les habitudes de raison qui déterminent ses actions ; le vice, au contraire, dégrade ou détruit ce principe.—IX. Appellera-t-on tempérance et intempérance, ou fermeté et faiblesse de carac-