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qu’elles sont unies à la raison. D’où il suit évidemment qu’il n’est pas possible d’être proprement vertueux, sans la prudence, ni d’être prudent, sans la vertu morale.

On pourrait aussi résoudre, par ce moyen, l’argument par lequel on prétend prouver que toutes les vertus sont séparées ou indépendantes les unes des autres, lorsqu’on dit que le même individu n’est pas naturellement disposé à toutes les vertus ; en sorte qu’il y en aura telle qu’il aura déjà acquise, et telle qu’il ne possédera pas encore. Cela peut être vrai des vertus naturelles ; mais cela ne saurait l’être de celles dont la possession fait qu’un homme est appelé vertueux dans un sens absolu ; car, dès qu’on possède une seule sorte de prudence, on possède aussi toutes les autres.

D’ailleurs, il est évident que, lors même qu’elle ne servirait pas, quand il faut agir, elle serait toujours nécessaire, comme étant la vertu ou propriété d’une partie [de l’âme], et parce que nul bon choix, nulle préférence sensée, ne peut avoir lieu sans la prudence et sans la vertu, puisque l’une se rapporte à la fin, et l’autre aux moyens par lesquels on peut y arriver. Cependant elle n’a nulle autorité ou prédominance sur la sagesse, ni sur la partie de l’âme qui est d’un plus grand prix ; de même que la médecine n’en a aucune sur la santé : car ce n’est pas elle qui en dirige l’emploi, mais qui s’occupe des moyens de la produire ou de la conserver. C’est donc à cause de celle-ci [c’est-à-dire, de la sagesse], que la prudence est autorisée à prescrire