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est autre chose que ce qu’on appelle production, ou création[1]. Il reste donc qu’il faut la considérer comme une habitude de théorie ou de contemplation, accompagnée de raison, dans les choses qui sont bonnes ou nuisibles à l’homme : car la fin de l’exécution est autre chose [que celle de la théorie] ; mais celle de la théorie n’est pas toujours [autre chose que celle de l’exécution], puisque la pratique du bien [ou le bonheur] est elle-même une fin.

Voilà pourquoi nous regardons Périclès et ceux qui lui ressemblent, comme des hommes prudents, parce qu’ils sont en état de voir ce qui est bon et avantageux pour eux-mêmes et pour les autres ; et nous les croyons capables de diriger avec succès les affaires d’une famille, et celles d’un état. De là vient que nous donnons à la tempérance le nom de σωφροσύνη, qui [par sa valeur étymologique] semble indiquer qu’elle conserve ou sauve la prudence. Elle conserve et maintient du moins cette manière particulière de voir [ou de juger de ce qui est bon et utile] : car les sentiments de peine et de plaisir n’altèrent pas et ne faussent pas tous nos jugements ; par exemple, celui qui nous fait reconnaître qu’un triangle a, ou n’a pas, la somme de ses trois angles égale à celle de deux angles droits ; mais ils altèrent et faussent nos jugements sur ce qu’il convient de faire.

En effet, les principes de notre conduite sont

  1. Voyez ci-dessus, la note 1 du chap. 3.