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est précisément l’équité : c’est une sorte de justice, ou une habitude qui ne diffère réellement pas de la justice.

XI. Il est facile de voir, par tout ce qui a été dit précédemment, si l’on peut ou non commettre une injustice contre soi-même ; car il faut mettre au nombre des choses justes tout ce que la loi prescrit de conforme à la vertu, en général. Par exemple, la loi n’ordonne à personne de s’ôter la vie : or, ce qu’elle n’ordonne pas, elle le défend. D’un autre côté, nuire à quelqu’un, en violant la loi, et sans avoir pour but de se venger d’une offense reçue, c’est commettre une injustice volontaire, c’est-à-dire, sachant à qui on nuit, par quel moyen, et de quelle manière. Quant à celui qui se tue dans un accès de colère, il fait, contre toute raison, une action que la loi ne permet pas. Il fait donc un acte injuste. Mais envers qui ? est-ce envers la société, et non pas envers lui-même ? Car enfin, ce qu’il éprouve, il l’a voulu ; mais personne n’est volontairement l’objet d’une injustice. Voilà pourquoi la société inflige une peine à ce genre de crime[1] ; et, de plus, une sorte de déshonneur s’attache à celui qui s’est tué lui-même, comme étant coupable d’un délit envers la société.

  1. « On refuse la sépulture au coupable », dit l’auteur de la Paraphrase. Mais Eschine (adv. Ctesiphont. p. 636) dit seulement : « Si un homme se tue lui-même, nous enterrons séparément du corps la main qui a fait l’action. »