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la disposition à agir ainsi volontairement. C’est là qu’est le principe de l’action, c’est-à-dire, dans celui qui règle le partage, et non dans celui qui prend ce qu’on lui donne.

Ajoutons que comme le mot faire a beaucoup d’acceptions diverses, et que, dans certains cas, des objets même inanimés peuvent donner la mort, comme aussi, par exemple, la main [d’un homme qui est poussé ou contraint par une force supérieure à la sienne[1]] et l’esclave de celui qui a ordonné le meurtre, ce n’est pas l’esclave qui est l’auteur de l’injustice, mais il fait des choses injustes. De plus, si quelqu’un a prononcé, sans le savoir, une sentence injuste, il n’est pas l’auteur de l’injustice, il ne viole pas la justice légale, et son jugement même n’est pas injuste ; mais il l’est à quelques égards : car le juste conforme aux lois n’est pas la même chose que le juste, pris dans un sens absolu, ou la justice naturelle et primitive. Mais, s’il a jugé injustement en pleine connaissance de cause, il s’attribue alors un privilège de faveur ou de vengeance. En effet, l’homme qui a jugé injustement par de pareils motifs, fait réellement un gain, comme celui qui consent à recevoir sa part du prix d’un acte injuste ; car celui qui adjuge un champ, par les motifs que je viens de dire, ne reçoit pas de la terre, mais de l’argent.

Toutefois les hommes s’imaginent qu’il dépend d’eux de commettre l’injustice, et que, par consé-

  1. Voyez ci-dessus, chapitre VIII.