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tention [de celui qui en est l’auteur], c’est un malheur ; et lorsque ce n’est pas contre son intention, mais sans mauvais dessein, c’est une faute : car il est coupable lorsque le principe du mal dont on l’accuse est en lui-même, au lieu que, si le principe ou la cause vient du dehors, il n’est que malheureux. Lorsqu’on agit en connaissance de cause, mais sans dessein prémédité, c’est un acte injuste ; on peut ranger dans cette classe tous les accidents qui arrivent par l’effet de la colère et des autres passions, soit naturelles, soit nécessaires. Car ceux qui commettent ces fautes d’où résultent de tels dommages, sont coupables d’injustice, et toutefois ils ne sont pas encore, pour cela, des hommes en effet injustes, ni méchants ; car le dommage qu’ils causent n’est pas l’effet de la perversité. Mais celui qui agit ainsi, par choix et à dessein, est essentiellement injuste et vicieux. Aussi est-ce avec raison que l’on ne regarde pas les actions inspirées par la colère, comme l’effet d’un dessein prémédité ; car ce n’est pas dans celui qui agit avec emportement qu’est la cause première du dommage, mais dans celui qui a provoqué la colère.

Ici, d’ailleurs, la question n’est pas de savoir si le dommage existe ou non, mais c’est le juste que nous considérons, parce qu’ordinairement la colère naît d’une injustice manifeste. Car il n’en est pas de ceci comme des obligations contractées légalement, et où le fait est l’objet de la contestation : alors il faut nécessairement que l’un des deux contendants soit un homme de mauvaise foi, à moins