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hommes libres et égaux, qui se sont associés dans la vue de pourvoir à la satisfaction de tous leurs besoins, conformément aux règles de là proportion, soit géométrique, soit arithmétique. En sorte que partout où cela n’a pas lieu, il n’existe point de justice politique qui règle les rapports des citoyens entre eux ; il n’y a qu’une justice, qui a simplement quelque ressemblance avec la justice politique.

En effet, le droit existe chez ceux dont la loi règle les rapports mutuels, et la loi existe où il y a injustice : car le jugement prononcé par un tribunal, décide sur ce qui est juste et injuste[1]. Partout où il y a injustice, il y a aussi des actes injustes commis ; mais partout où des actes injustes sont commis, il n’y a pas toujours injustice[2] ; c’est-à-dire volonté ou dessein de s’attribuer [plus qu’on n’en a le droit] des biens pris dans un sens absolu, et moins des maux, pris dans le même sens. Voilà pourquoi nous ne souffrons pas que l’homme commande, mais nous voulons que ce soit la loi ; parce que l’homme ne consulte alors que son propre intérêt, et devient tyran[3]. Mais le magistrat est le gardien de la justice, et s’il l’est

  1. Voyez la Politique, l. i, C. I, §12.
  2. Cette phrase a été regardée à tort, par quelques-uns des commentateurs, comme une répétition, ou une paraphrase oiseuse, de ce qui précède.
  3. Voyez la Politique, 1. 3, c. 11, § 4 ; et la Rhétorique, l. i, c. I.