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qui se règle sur la proportion. En effet, ou les hommes cherchent à rendre le mal pour le mal, autrement l’état de société serait une pure servitude : ou ils cherchent à rendre le bien pour le bien, et, sans cela, il n’y aurait aucune communication, aucun échange de services ; car c’est le commerce qui maintient la société. Aussi a-t-on placé le temple des Grâces[1] dans le lieu le plus accessible, afin de fortifier et d’entretenir dans les citoyens le penchant à l’obligeance réciproque ; car c’est là le propre de la grâce [ou de la reconnaissance], et l’on doit s’efforcer de rendre, à son tour, des services à ceux qui nous ont obligés, ou même de les prévenir, en les obligeant, une autre fois.

On peut figurer la réciprocité proportionnelle par la combinaison ou le rapprochement des termes, dans le sens de la diagonale : soit A l’architecte, B le cordonnier, C la maison, et D la chaussure[2]. Sans doute il faut que l’architecte

  1. Sénèque (De Benefic. l. i c. 3) développe fort au long l’allégorie que les philosophes grecs trouvaient dans la fable des Grâces ; surtout les stoïciens, qui montrèrent un goût particulier pour ce genre de subtilités. Je citerai seulement les paroles de cet auteur, qui présentent une pensée analogue à celle qu’Aristote exprime ici : Quid ille consertis manibus in se redeuntium [Gratiarurn] chorus ? Ob hoc, quia ordo beneficii per manus transeuntis nihilominus ad dantem revertitur, et totius speciem perdit, si usquam interruptus est : pulcherrimus, si cohœsit, et vices servat.
  2. Aristote paraît avoir voulu représenter ici la notion de la proportion géométrique, par un parallélogramme dont on évalue