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absolue dans la parfaite réciprocité d’action[1] : c’était la doctrine des pythagoriciens, qui définissaient la justice : L’action par laquelle on fait souffrir à un autre ce qu’on a souffert soi-même. Mais cette réciprocité ne convient ni à la justice distributive, ni à la justice de compensation, quoiqu’on prétende que telle est la maxime de Rhadamante : « Qu’il souffre ce qu’il a fait souffrir ; voilà une sentence rigoureusement juste. » Mais il y a bien des cas où cette maxime ne saurait s’appliquer : par exemple, si un magistrat frappe un simple citoyen, il ne faut pas qu’on le frappe à son tour ; et si le citoyen frappe un magistrat, il ne suffit pas qu’il soit frappé de la même manière, il faut encore qu’il soit puni ; Ensuite, il y a bien de la différence entre ce qui est volontaire et ce qui ne l’est pas. Toutefois cette sorte de justice peut s’appliquer aux transactions de la vie sociale ; mais c’est la proportion, et non l’égalité qu’il y faut observer. Car la société ne subsiste que par cette réciprocité

  1. Il n’y a point de terme, en français, qui corresponde à l’expression τὸ ἀντιπεπονθὸς, dont Aristote se sert ici. C’est proprement la loi ou peine du Talion, en vertu de laquelle l’auteur d’un délit ou d’un dommage doit souffrir exactement la même espèce et le même degré de mal qu’il a fait à un autre. Oculum pro oculo, dentem pro dente. (Levitic. c. 24, vs. 20.) Cette sorte de justice a été admise chez un grand nombre de peuples sauvages ou barbares. Elle est mentionnée aussi dans la loi des Douze Tables, fondement de la jurisprudence romaine : sur quoi l’on peut voir les réflexions du philosophe Favorinus, dans Aulu-Gelle. (Noct. Attic. l. 20, c. 1).