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passera plutôt pour un débauché que pour un homme avide et intéressé ; au lieu qu’on dira de l’autre, qu’il commet une action injuste, mais non pas qu’il est un débauché. D’où il suit clairement que c’est le profit ou le gain qui fait ici la différence. On rapporte même toujours ainsi tous les autres délits à quelque vice : l’adultère, au penchant pour la débauche ; l’abandon d’un poste devant l’ennemi, à la lâcheté ; l’action de frapper quelqu’un, à la colère : mais, dans tous les cas, le gain ou le profit ne se rapporte qu’à l’injustice. Par où il est évident qu’il y a une espèce particulière d’injustice, différente de l’injustice en général et proprement dite, qui est désignée par le même nom qu’elle[1] ; car on peut la définir comme appartenant au même genre, puisque l’une et l’autre ont cela de commun que leur effet se rapporte au prochain. Mais l’une comprend les honneurs, les richesses, les moyens de se sauver ou de se garantir du danger, enfin, tout ce qui, dans ce genre, peut être compris sous un même terme, et rappelle l’idée du plaisir que procure un profit ou un avantage quelconque ; au lieu que l’autre embrasse tout

  1. Littéralement : « En partie synonyme. » Notre philosophe dit ailleurs : « On appelle synonymes les choses qui ont un même nom, et dont la définition, rapportée à ce nom, est la même, Par exemple, animal se dit de l’homme et du bœuf, car ce nom est commun à l’un et à l’autre : et la définition, quant à l’essence, est aussi la même ; puisque, si l’on entreprend de définir chacun d’eux, en tant qu’il est animal, la définition ne saurait être différente. » (Aristot. Categor. c. 1).