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Aussi Bias a-t-il eu raison de dire que l’autorité révèle ce qu’est un homme[1], car celui qui a l’autorité ou la puissance est déjà en rapport avec les autres, et dans un état de société ou de communauté. Par la même raison, on peut regarder la justice comme le bien d’autrui ; et elle est, entre les vertus, la seule qui soit dans ce cas, puisqu’elle a pour but l’utilité ou l’avantage d’un autre, soit celui qui a la puissance, soit le peuple tout entier.

Le plus méchant des hommes est sans doute celui qui fait servir ses vices à son propre dommage, ou qui nuit à ses amis ; mais le plus vertueux est celui dont la vertu ne sert pas à lui-même, mais aux autres, car c’est là une tâche pénible. Aussi la justice n’est-elle pas une partie de la vertu, mais l’assemblage de toutes les vertus, la vertu tout entière ; et l’injustice, de son côté, n’est point une partie du vice, mais le vice tout entier. On voit clairement, par ce qui vient d’être dit, en quoi la vertu diffère de la justice proprement dite ; car elle est bien la même chose, mais elle n’a pas la même essence. La vertu, en général et absolument parlant, est une disposition, une habitude d’une espèce particulière et déterminée : en tant que cette ha-

  1. La même pensée se trouve aussi dans l’Antigone de Sophocle (vs. 175). Sur quoi le scholiaste observe que c’est une maxime attribuée, par les uns, à Bias, et par d’autres, à Chilon. Plutarque la rappelle aussi, dans la Comparaison de Cicéron et de Démosthène (to. 5, p, 278 de l’édit. de Mr  Coray).