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effet des choses qu’une telle personne peut entendre ou dire en plaisantant, et les railleries d’un homme libre et bien élevé ne ressemblent en aucune façon à celles d’un homme servile, et sans éducation. C’est ce dont on se convaincra en comparant l’ancienne comédie avec la nouvelle[1] ; car dans l’une on trouve souvent des plaisanteries exprimées dans un langage obscène ; au lieu que, dans l’autre, les mêmes idées sont plus généralement indiquées par des allusions fines, ce qui fait assurément une très-grande différence, par rapport à la décence.

Faut-il donc définir la raillerie permise et convenable, en disant qu’elle consiste à ne dire que ce qui est digne d’un homme libre ; ou à ne pas affliger celui à qui elle s’adresse, mais au contraire à lui plaire ? ou ne vaut-il pas mieux renoncer à définir ce juste milieu dont nous parlons ? Car les mêmes choses ne sont pas agréables ou odieuses à tout le monde. Au reste, on entendra sans peine ce qu’on dira sans scrupule, et même on est porté à croire qu’un homme ne craindra pas de faire ce qu’il ne craint pas d’entendre dire.

  1. Horace parle, dans plusieurs endroits, de cette espèce de révolution dans l’art dramatique, à Athènes, notamment dans le début de la 4e satire du premier livre, et dans son Art Poétique (vs. 281 et suiv.). Cicéron blâme aussi très-sévèrement la licence de ce qu’on appela, chez les Grecs, l’ancienne comédie. Voyez le quatrième livre de son traité De Republicā (t. 2, p. 129 ; de l’élégante traduction de Mr Villemain.