Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui-même ; et, porté au dernier degré, il devient tout-à-fait intolérable. Les hommes irascibles sont donc sujets a s’emporter promptement ; ils s’irritent hors de propos, soit contre les choses, soit contre les personnes, et plus qu’il ne faut ; mais ils s’apaisent avec la même facilité, et c’est là ce qu’ils ont de meilleur. Cela vient de ce qu’ils ne sauraient contenir leur ressentiment, et qu’ils le témoignent à l’instant même ; son impétuosité les rend redoutables, mais ils s’apaisent presque aussitôt. Les hommes qui sont d’une humeur emportée pèchent donc par cet excès, et s’irritent à propos de tout et contre tout le monde, d’où vient le nom d’irascible qu’on donne à ce caractère.

Mais les hommes capables de rancune ne reviennent pas facilement, et leur ressentiment dure long-temps ; car ils savent contenir leur colère, et elle ne s’apaise que quand ils ont rendu mal pour mal. Car la vengeance les apaise, et fait succéder dans leur cœur un sentiment de plaisir à la peine qu’ils éprouvaient. Mais, tant que ce moment n’est pas venu, ils sentent comme un poids qui les oppresse ; car, comme ils ne manifestent rien au dehors, personne ne peut entreprendre dé les ramener par la persuasion : et il faut du temps pour user la colère que l’on concentre ainsi en soi-même. Rien de plus incommode qu’un pareil caractère, pour ceux qui en sont dominés, et pour les personnes qu’ils aiment le plus. Aussi appelle-t-on moroses, gens difficiles à vivre, ceux qui s’irritent plus qu’il ne faut, et plus long-temps qu’il ne convient, pour