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sants à sa voix, les rendait rétifs, méchants, indociles, s’ils amaigrissaient et dépérissaient chaque jour entre ses mains, si même il en laissait ou en faisait périr un grand nombre, ne serait-on pas en droit de conclure de là que c’est un bouvier bien inepte ou un écuyer bien malhabile ? Or, ajoutait Socrate, il en est de même de ceux qui se chargent de gouverner des hommes ; lorsqu’au lieu de rendre les citoyens soumis aux lois et affectionnés aux chefs de l’état, ils se mettent dans le cas d’éprouver des révoltes ou des résistances de leur part ; lorsqu’au lieu d’entretenir parmi eux l’union et l’affection réciproques, ils les rendent ennemis les uns des autres et se mettent dans le cas d’en faire périr un grand nombre, on est, ce me semble, autorisé à les regarder comme des hommes bien peu capables de gouverner les autres.

Les trente ne manquèrent pas d’être informés de ces discours, et bientôt deux d’entre eux, Chariclés et Critias, mandèrent Socrate devant eux, et lui montrèrent la loi qu’ils avaient rendue, en lui défendant de s’entretenir désormais avec des jeunes gens. « Socrate leur demanda, si, dans le cas où il ignorerait quelque article de leurs ordonnances, il ne lui serait pas permis de s’en informer ? — Non : dirent-ils. — Je ne demande pas mieux que de me conformer aux loix, dit encore Socrate ; mais apprenez-moi si, en défendant d’en-