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il se conformera à toutes les conditions qu’exige, en ce cas, la droite raison : et il le fera avec joie, ou du moins sans peine ; car c’est le caractère des actions vertueuses, on ne doit point les faire à regret. Celui qui donne comme il ne faut pas, ou sans se proposer un but honnête, mais par quelque autre motif, n’est pas libéral ; il faudra lui donner quelque autre nom. Celui qui ne donne qu’à regret ne l’est pas non plus, puisqu’il préférerait l’argent à une bonne action, ce qui n’est pas d’un homme libéral. Il se gardera bien aussi d’en prendre d’où il ne doit pas ; car cela n’est pas d’un homme qui ne fait pas une trop haute estime de l’argent[1]. Enfin, il ne se montrera pas indiscret dans ses demandes ; car rien n’est plus étranger aux habitudes de la bienfaisance que cette facilité à contracter des obligations : mais il prendra où il faut ; par exemple, sur ses propres revenus, non pas parce que cela est honorable, mais parce que cela est nécessaire pour pouvoir faire des dons. Il ne négligera pas le soin de sa fortune, puisqu’il désire y trouver les moyens d’aider les autres ; et il ne la prodiguera pas sans discernement à tout venant, afin de se réserver la possibilité de donner aux

  1. « En effet, il n’y a rien qui décèle plus une âme étroite et basse, que l’amour de l’argent ; rien qui annonce plus de grandeur d’âme et de noblesse dans les sentiments, que le mépris des richesses. » Nihil enim est tam angusti animi tamque parvi quam amare divitias, nihil honestius magnificentiusque quam contemnere pecuniam. (Cic. De Offic. l. i, c. 20.)