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font les hommes grossiers et sans lumières. Il est donc évident que la débauche ou l’incontinence est un excès en fait de plaisirs et qu’elle est blâmable.

Mais, en fait de peines, ce n’est ni la fermeté à les supporter qui caractérise l’homme sobre ou tempérant, comme elle caractérise l’homme courageux, ni l’incapacité en ce genre qui fait l’intempérant. Le vice de celui-ci consiste à éprouver plus de chagrin qu’il ne convient, parce qu’il n’obtient pas les choses qui lui seraient agréables : en sorte que c’est le plaisir, ou au moins l’amour du plaisir, qui est cause de sa peine ; au lieu que la tempérance consiste à n’être pas affligé de l’absence des plaisirs, et à s’en abstenir. Ainsi donc l’intempérant désire tout ce qui est agréable, et ce qui l’est le plus ; et il est tellement séduit et entraîné par ses désirs, qu’il en préfère les objets à toute autre chose. Voilà pourquoi il s’afflige, lorsqu’il est trompé dans son attente, et tout le temps qu’il désire ; car le désir est toujours accompagné d’un sentiment de peine, quoiqu’il semble étrange que le plaisir soit cause de la peine qu’on ressent.

Au reste, il n’y a guère d’hommes qui pèchent, en ce genre, par défaut, et qui aient moins de plaisir qu’il ne faut ; car une pareille insensibilité n’est pas dans la nature humaine. Les animaux même savent discerner les aliments qui s’offrent à eux ; il y en a qui leur plaisent, et d’autres qui ne leur plaisent pas. Mais, s’il est quelque être animé à qui rien ne fasse plaisir, et qui ait une