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par Homère : « La colère redouble ses forces ; » ou, « Son courage et sa colère se réveillent ; » ou bien, « Une vive colère agite ses narines, » et « Son sang bouillonne. » etc. Car ce sont des indices du réveil et de l’emportement de la colère. Cependant les hommes d’un vrai courage n’agissent que par un sentiment d’honneur ; seulement la colère seconde leur action, ou du moins s’y joint, au lieu que les animaux ne sont touchés que de la douleur. Il n’y a que les coups, ou la frayeur, qui les puissent exciter. Au sein des bois, ou dans les marais, on ne les voit point s’avancer au-devant du péril. Il n’y a donc point de véritable courage à se précipiter dans le danger, quand on n’y est excité que par la douleur ou par la colère, et qu’on ne prévoit rien de ce qui est à craindre. Car, à ce compte, un âne affamé pourrait passer pour un animal courageux, puisque alors on a beau le frapper, on ne saurait l’éloigner du pâturage[1]. Les débauchés aussi font quelquefois des actions très-audacieuses pour satisfaire leur passion. Le courage le plus naturel est sans doute celui que donne la colère ; mais, pour être véritable, il faut qu’il soit l’effet d’un choix, d’une préférence, qui apprécie les motifs qui la déterminent.

D’ailleurs, la colère est pour l’homme un sentiment pénible, et la vengeance un sentiment

  1. Allusion à un passage du xie chant de l’Iliade d’Homère (vs. 558-562).