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les rendre plus heureux ; incapable de haïr même ceux qui sont méchants et malfaisants, parce qu’il les croit plus souvent dupes de l’erreur de leur jugement qu’égarés par la perversité de leurs cœurs : tel est Socrate.

Si la justesse naturelle de son esprit ne lui permet pas de donner une croyance absolue et implicite au système religieux universellement admis, il n’en est pas moins exact à se conformer aux cérémonies dμ culte établi par les lois : il cherche à y démêler ce qu’elles ont de touchant, d’utile ou de propre à rapprocher les hommes ; et quoique sa raison se soit peut-être élevée à la conception d’un dieu unique, il admet aussi des intelligences intermédiaires entre l’homme et la divinité suprême. Il croit même que cette prudence particulière qui le distingue et lui fait, dans bien des circonstances, entrevoir avec une sorte de certitude les résultats de sa propre conduite ou de celle de ses amis, est l’effet des inspirations de quelqu’une de ces divinités inférieures qui s’est, en quelque manière, attachée à lui, afin de le rendre plus utile à ses semblables ; il se regarde comme le ministre des intentions bienfaisantes de ce dieu comme ayant reçu la mission expresse d’éclairer ses concitoyens et de les rappeler à la vertu ; il est convaincu que sa vie toute entière doit être employée à cette noble tâche, qu’aucun obstacle, aucune crainte,