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qui a dit, « Nul n’est méchant à dessein, ni heureux malgré lui[1], » semble avoir dit une chose véritable à quelques égards, et fausse sous un certain rapport. Car sans doute nul homme n’est heureux malgré lui ; mais le vice est volontaire : ou bien, faut-il remettre en question ce que nous venons d’avancer, et nier que l’homme ait en soi le principe de ses œuvres, et qu’il en soit, s’il le faut ainsi dire, le père, comme il l’est de ses enfants ?

Mais, si tout cela paraît fondé sur la raison, et s’il nous est impossible de remonter à d’autres principes d’action qu’à ceux qui sont en nous-mêmes, les actes dont les principes sont en nous, dépendent eux-mêmes de nous, et par conséquent sont volontaires. Cela même semble confirmé, non-seulement par le témoignage de tous les hommes, pris individuellement, mais aussi par celui des législateurs. Car ils châtient et punissent ceux qui commettent des actions criminelles, toutes les fois qu’elles n’ont pas été l’effet de la contrainte, ou d’une ignorance dont ils n’étaient pas cause : au lieu qu’ils honorent les auteurs des actions vertueuses, comme pour exciter les hommes aux unes, et les détourner des autres. Or assurément personne ne s’avise de nous exciter aux choses qui ne dépendent ni de nous ni de notre volonté ; attendu qu’il ne servirait à rien d’entreprendre de nous

  1. Cette pensée d’un poète inconnu est aussi rappelée par Socrate, dans le Dialogue sur la Justice, faussement attribué à Platon (p. 374.)