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voit paraître un homme qu’elle n’a pu atteindre, parce qu’il ne désire et n’ambitionne rien de ce que ses concitoyens poursuivent avec tant d’ardeur. Né dans la pauvreté, non-seulement il n’a point cherché à en sortir par des moyens que réprouve la conscience d’un homme de bien, mais il a même renoncé à la profession qu’exerçait son père, parce que le peu qu’il possède peut rigoureusement suffire à la satisfaction des besoins les plus bornés. Il n’a jamais occupé d’emploi public qui donne des richesses ou du pouvoir ; mais il a rempli avec zèle ses devoirs de citoyen quand la patrie a eu besoin de ses services. Il a servi dans les troupes de la république, et il a déployé dans diverses occasions autant de valeur que de sang-froid ; deux fois il a sauvé la vie à des citoyens (Xénophon et Alcibiade) qui sans lui seraient tombés sous les coups de l’ennemi.

Ce n’est point un homme qui possède de rares et sublimes connaissances, un de ces génies subtils et pénétrants appelés à deviner les secrets de la nature ou à sonder les profondeurs de l’intelligence humaine : doué d’une raison saine et d’un sentiment exquis pour tout ce qui est beau, honnête, honorable, d’une sagacité peu commune pour l’observation des mœurs, des passions et du caractère des hommes ; animé du désir constant de les rendre meilleurs, parce que c’est le moyen de