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c’est-à-dire, si c’est avec violence ou sans emportement. En effet, il est impossible qu’on soit dans l’erreur sur toutes ces choses, à moins qu’on ait perdu le sens ; et il est évident qu’on ne peut pas davantage se méprendre sur l’auteur de l’action, puisque ce serait se méconnaître soi-même.

Toutefois il peut arriver qu’un homme ne sache pas ce qu’il fait ; comme lorsqu’on est dans le cas de dire qu’un mot nous est échappé, ou lorsqu’on révèle aux profanes les rits des mystères, mais sans savoir que cela fût défendu, ainsi qu’il arriva à Eschyle[1] ; ou lorsqu’en voulant montrer le mécanisme d’une catapulte[2], on fait partir le trait. On peut aussi quelquefois, comme Mérope[3], s’imaginer qu’on voit un ennemi mortel dans

  1. « Eschyle, ayant exposé sur la scène les cérémonies des mystères (de Cérès), et ayant été traduit devant le tribunal de l’Aréopage, fut absous, parce qu’il prouva qu’il n’était pas initié ». (Clem., Alexandr. Strom. l. 2, p. 387.) Les scholies citées par Mr Zell, sur cet endroit d’Aristote, ajoutent, d’après Héraclide de Pont, que les motifs qui portèrent l’Aréopage à renvoyer Eschyle absous, furent la bravoure éclatante que Cynégire, son frère, avait montrée dans la bataille de Marathon, et la gloire qu’il y avait acquise lui-même, ayant été rapporté du champ de bataille tout couvert de blessures.
  2. J’ai adopté la leçon commune δεῖξαι, au lieu de θῖξαι, qu’ont proposé d’habiles commentateurs, et qui signifierait en touchant une catapulte, etc.
  3. Euripide avait fait une tragédie intitulée Mérope, ou Cresphonte, que nous n’avons plus. Aristote, dans sa Poétique, c. 14, dit : « Dans le Cresphonte, Mérope est sur le point de tuer son fils ; mais, l’ayant reconnu, elle ne le tue pas. » Plu-