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exprimé par le nom de bouffonnerie, et le défaut par celui de rusticité[1]. Mais, pour ce qui contribue, à tous les autres égards, à l’agrément ou au charme de la vie, le caractère qui ne pèche par aucun excès, est l’amabilité ; et l’exagération en ce genre, quand elle n’est le produit d’aucun sentiment d’intérêt personnel, peut être appelée manie de plaire : et flatterie, quand elle est l’effet d’un calcul intéressé. Le défaut en ce genre, qui caractérise un homme désagréable en tout, lui fait donner les noms de bourru, fantasque, difficile à vivre.

Il y a aussi ce qu’on pourrait appeler des moyens termes dans les passions, et dans ce qui tient aux passions. La pudeur, par exemple, n’est pas proprement une vertu : cependant on loue celui qui en est susceptible ; car, dans les choses où ce sentiment intervient, l’on peut tenir un juste milieu, et pécher par excès ou par défaut. L’homme que tout fait rougir, et qui est comme frappé de stupeur, pèche par excès ; celui qui ne rougit de rien, est impudent et pèche par défaut ; l’homme modeste est dans le juste milieu.

Je donnerais le nom de Némésis[2] (ou de généreuse indignation) à un sentiment qui tient le milieu entre l’envie et la malveillance : deux passions

    l’effet est quelquefois de concilier les esprits. C’est au moins en ce sens qu’il me semble avoir été employé par Aristophane, (In Vesp. vs. 469), et ici, par Aristote.

  1. Voy. les Caractères de Théophraste, c. 4.
  2. Voy. Eudem, l. 2, c. 3, et l. 3, c. 7.