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même pour celui qui s’exerce à la course et à la lutte. Ainsi donc quiconque est instruit dans un art, évite l’excès et le défaut, cherche le milieu ou le terme moyen, et le préfère ; non pas sans doute le milieu par rapport à la chose elle-même, mais considéré par rapport à nous.

Si donc c’est en ne perdant point de vue ce milieu, et en y ramenant tout ce qu’on fait, que, dans toute science, l’on parvient à un heureux résultat, en sorte que l’on dit ordinairement des ouvrages qu’elle produit, quand ils sont bien exécutés, qu’il n’y a rien à y ajouter, rien à en retrancher (attendu que l’excès et le défaut sont également contraires à la perfection, et qu’il n’y a que ce juste milieu entre l’un et l’autre qui puisse la leur donner) ; si, dis-je, ceux à qui nous donnons le nom d’artistes excellents ont toujours en vue ce juste milieu dans leurs travaux, et si la vertu est un art plus parfait que tous les autres, et qui leur est bien préférable, il s’ensuit que la vertu, comme la nature, tend sans cesse à ce juste milieu. Je parle de la vertu morale[1] ; car c’est elle qui s’occupe de nos actions et de nos passions. Or il peut s’y trouver aussi un excès, un défaut et un milieu.

En effet, on peut s’abandonner plus ou moins à la crainte, à la confiance, au désir, à l’aversion,

  1. L’auteur entend ici, par vertu morale, la vertu pratique, par opposition à la vertu spéculative, ou simplement théorique.