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la chose, à la quantité elle-même, soit par rapport à nous[1]. Or ce qui constitue l’égalité, c’est un certain milieu entre l’excès et le défaut. Par exemple, le milieu d’une chose, c’est un point également éloigné des deux extrémités, et qui est unique et le même dans toutes : mais, par rapport à nous, c’est ce qui ne pèche ni par excès ni par défaut ; et ce n’est pas une chose unique, ni qui soit la même pour tous. Par exemple, si dix est considéré comme le grand nombre, et deux comme le petit, six sera le nombre moyen, par rapport à la chose, puisqu’il surpasse le petit, et qu’il est surpassé par le grand d’une quantité égale. C’est là un milieu, ou terme moyen, dans la proportion arithmétique. Mais, par rapport à nous, ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre : car, en supposant que consommer dix mines d’aliments soit manger beaucoup, et que ce soit manger peu que d’en consommer deux, un maître de gymnastique ne devra pas prescrire d’en manger six ; car il peut y avoir tel individu pour qui cette quantité d’aliments serait trop forte, et tel autre pour qui elle serait insuffisante. Elle le serait sans doute pour Milon[2], tandis qu’elle serait trop considérable pour celui qui commence à s’exercer aux combats athlétiques. Il en serait de

  1. Voy. M. M. l. i, c. 8 ; Eudem. l. 2, c. 3.
  2. Fameux athlète de Crotone, qui, au rapport de Théodore, cité par Athénée (p. 312), mangeait par jour vingt mines (plus de dix-sept livres) de viande, et autant de pain, et buvait trois conges (plus de six pintes) de vin.