Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’avec la modération convenable, c’est une bonne manière d’être. Et ainsi du reste.

Ni les vertus, ni les vices, ne sont donc des passions ; parce que ce n’est pas eu égard à nos passions qu’on nous donne le nom de vertueux ou de vicieux, mais eu égard à nos vertus et à nos vices ; et parce que ce n’est pas à raison de nos passions que l’on nous blâme, ou qu’on nous loue. Car on ne loue point celui qui est frappé de crainte, ou agité par la colère ; on ne blâme pas même l’homme qui éprouve simplement un accès de colère, mais on blâme la manière dont il s’y laisse emporter ; enfin, on nous loue, ou l’on nous blâme, à cause de nos vertus ou de nos vices.

D’ailleurs, ce n’est pas par choix et par réflexion que nous éprouvons de la colère ou de la crainte : au lieu que les vertus sont l’effet d’une détermination réfléchie, ou du moins n’y sont jamais entièrement étrangères. Outre cela, on dit que nous sommes mus par les passions, et non pas suivant l’impulsion de nos vertus, ou de nos vices ; mais on dit qu’ils sont en nous des dispositions, ou manières d’être, particulières. Voilà pourquoi ils ne sont pas des facultés ou capacités ; car ce n’est pas simplement pour être susceptibles d’éprouver des passions qu’on nous dit vertueux ou vicieux, qu’on nous loue, ou qu’on nous blâme. De plus, les facultés sont en nous le produit de la nature ; mais ce n’est pas elle qui nous rend vicieux ou vertueux, comme je l’ai dit précédemment. Si donc les vertus ne sont ni des passions, ni des facultés,